Départ pour Budapest
En raison de la situation politique et militaire qui prévaut en Slovénie, Thérèse Hoffmann doit quitter le château et rejoindre la famille Auersperg en Hongrie, en prenant le train à Zagreb (ici vue de la gare de Zagreb. Tous droits réservés.), ce qu'elle vit comme une belle aventure.
J’avoue que cette aventure m’a beaucoup amusée. J’étais pour quelque temps reine et maîtresse de tout le château. On me servait par devant, par derrière, c’était très drôle ! Je n’avais heureusement pas du tout peur et j’appréciais toutes ces scènes à leur juste valeur !!! J’ai tout de même emballé et expédié tous les livres que je n’employais plus ; j’espère que vous les avez reçus.
Lundi, j’arrive avec tous mes paquets à la Kanzlei [chancellerie] où l’intendant m’annonce que Mlle Cacak et moi devons faire nos bagages et partir le lendemain pour Budapest ! Vous rendez-vous compte ? Pour Budapest !!! J’ai sauté de joie à cette nouvelle et je suis vite allée faire mes bagages ; j’ai tout emballé car on ne sait vraiment pas si nous reviendrons à ce cher Ainötd, et surtout s’il ne sera pas détruit ; c’est tout de même un château allemand ! Il a été construit en 1455 par un comte de Gallenstein ; il a appartenu pendant 2 ou 3 générations à cette famille qui s’est brouillée, s’est ruinée et qui l’a vendu aux Auersperg au début du 17e siècle. Depuis, il n’a plus changé de propriétaire.
Mlle Cacak est revenue de Laibach à 5h moins le ¼ et, au fond pas très surprise, elle s’est mise aussi à ses bagages. J’ai aussi emballé tout ce que j’ai trouvé de Kisasszony. Mlle Cacak était très curieuse de savoir si elle obtiendrait son visa en tant que Yougoslave. Nous ne savions pas non plus si la frontière serait ouverte. J’ai quitté Ainödt avec regret car j’y ai laissé un bon bout de mon cœur et je serais désolée que le château soit détruit. A Novelu-Mestu, nous avons pris l’autobus jusqu’à Brežice qui se trouve entre Zagreb et Novomesto. Le trajet est ravissant, mais il est monté tant de monde, que je me trouvais écrasée dans un coin avec un paysan sur les genoux !
Zagreb, ou du moins ce que j’ai pu voir de cette ville, est très beau, très gai, varié et sympathique.
Nous étions accompagnées de l’intendant qui devait obtenir nos visas et nos billets. Il les a obtenu en 5 minutes car le bonhomme a reconnu que c’était l’uniforme de la maison Auersperg. Pour moi, il n’a rien dû payer ! C’est tout de même bien d’être Suissesse ! Mon passeport commence à devenir intéressant !
A 2h1/2, départ avec nos 7 énormes valises ! jusqu’à présent pas d’anicroches, nous pouvons voyager ensemble, bref, je crois que ça s’annonce bien ; nous sommes de très bonne humeur, le soleil brille et nous admirons en 2e classe la Croatie dont les pêchers sont en fleurs. Je suis dans l’enthousiasme. Le soir à
7h ½ nous arrivons à la frontière. La douane se passe admirablement ; ils ne fouillent même pas, et je passe sans aucune peine 3 étoffes différentes.
Le train n’est plus direct jusqu’à Budapest et nous devons attendre jusqu’à 10h½ le train suivant dans un restaurant où nous tombons de sommeil ! Mlle Cacak ne peut plus ouvrir les yeux, et je dors à moitié, accoudée sur la table ! C’est la première fois de ma vie que je me suis ennuyée, mais alors j’en ai eu mon compte !