Jeudi 14 et vendredi 15 avril 1887 : Prague

Plan de Prague (détail) extrait du guide Baedecker Autriche-Hongrie (édition de 1911)

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Prague où un tas de riens trahit le catholicisme et prouve son infériorité au point de vue de l’économie politique.

Cette remarque de Daniel s’appuie sur le constat que tout observateur attentif pouvait faire à son époque : la carte du développement économique de l’Europe épousait assez nettement les frontières des pays de confession protestante. On peut regretter que notre étudiant théologien n’ait point couché sur le papier les raisons qu’il donnait à cette réussite protestante. Historiens et sociologues de son époque en ont proposé un certain nombre. Max Weber est certainement le plus célèbre d’entre eux. Dans son étude L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, qu’il fait paraître entre 1904 et 1905, il soutient qu’une des raisons de la réussite économique des pays protestants a pour origine la croyance des calvinistes qu’elle est le signe de la bénédiction divine, et donc de leur salut.

En ce premier jour de visite, Daniel commence par faire le tour des principales églises de la ville qu’il trouve toutes richement ornées de tableaux, statues, fresques, qui contrastent avec la nudité des temples protestants. Autre sujet d’étonnement : les tas de prêtres qu’il rencontre un peu partout.

Bien évidemment, il traverse et retraverse le pont Charles, monument emblématique de Prague.

La légende raconte qu’en 1393, le roi Wenceslas IV, soupçonnant sa femme, la reine Sophie, d’adultère, voulut savoir ce qu’elle avait confié en confession à Jean Népomucène, son confesseur. Devant le refus de ce dernier de trahir le secret de la confession, le roi le fit torturer, puis jeter dans le fleuve du haut de ce pont. Il fut dès lors considéré comme un saint martyr et les jésuites, chargés par Rome de prêcher la Réforme catholique (ou Contre-Réforme), propagèrent son culte en Europe centrale, au XVIIe siècle, pour faire pièce au rayonnement d’un autre Pragois, Jean Hus, précurseur du protestantisme, brûlé vif pour ses idées réformatrices en 1415.

Daniel visite ensuite le ghetto et le cimetière juifs, puis, l’après-midi, il remonte au château. À 18 h., il se rend dans une brasserie boire une chope tout en écoutant un orchestre, puis, à 22 h., il retourne à l’hôtel.

Le lendemain matin, Daniel reprend ses visites. Il commence par celle de Notre-Dame de Lorette, en compagnie d’un groupe de touristes, sous la conduite du sacristain. Cette église abrite la copie conforme de la maison de la Vierge Marie à Loreto, en Italie. Toujours selon la légende (et le sacristain !), un pauvre musicien était venu jouer devant le corps supplicié de la sainte. En guise de remerciement, celle-ci fit tomber sa pantoufle d’or à ses pieds. Accusé de l’avoir dérobée, le musicien obtint de ses juges la grâce de jouer une nouvelle fois devant elle avant d’être exécuté. En leur présence, la sainte laissa tomber sa seconde pantoufle, le lavant ainsi de toute accusation.

Il poursuit sa visite de la ville de Prague par les nouveaux quartiers, avant de retourner à son hôtel payer sa note – qu’il trouve fort chère – et terminer sa journée au théâtre.