Acquisitions récentes |
Du carton à la boîte d'archives Oubliées au fond d'un tiroir ou conservées dans de simples cartons, en vrac ou parfois classées par un membre de la famille, les archives qui parviennent aux AVO sont conditionnées par nos soins, inventoriées et archivées afin d'être mises à la disposition des chercheurs. La récolte de fonds d'archives de la vie ordinaire s'accroît de façon régulière d'année en année. Les fonds recueillis à ce jour sont de taille, de nature et de provenance fort diverses. On y trouve notamment des papiers officiels, des agendas, des récits de voyages, des cahiers de comptes de ménages, des souvenirs scolaires, des récits de vie, des journaux personnels ou intimes, des correspondances... Il est possible d'en consulter la liste (cf. Fonds d'archives) ainsi que les fiches descriptives et certains inventaires. Cette rubrique permet de découvrir quelques unes des acquisitions récentes. Photo: Fonds André Vuille, au moment du dépôt. |
Fonds d'archives 2014
Fonds d'archives 2012
Fonds d'archives 2011
Fonds d'archives 2010
Fonds d'archives 2009
COMBATTANTE DE LA FOI
Une Neuchâteloise officière de l’Armée du Salut en Italie
23.01.2015
Les AVO ont fait récemment l’acquisition d’un fonds constitué pour l’essentiel d’une vaste correspondance de Marie Petitpierre (1885-1969), officière de l’Armée du Salut en Italie durant le premier tiers du 20e siècle. Celle-ci raconte en effet dans le détail ses activités d’enseignante et de propagandiste de la foi à sa famille, basée à Sauges. Ses lettres, très bien écrites, constituent un précieux témoignage sur le quotidien d’une officière de l’Armée du Salut en même temps qu’elles dévoilent quelques aspects de la réalité sociale de l’Italie des années 1910-1930. Le terrain était difficile pour les salutistes en Italie, car, outre les réactions que pouvait susciter le militantisme de l’Armée du Salut, les curés n’étaient pas prêts à céder face au protestantisme, fortement minoritaire en Italie. Certes la liberté de culte existe, mais les tensions restent vives et les réunions de l’Armée du Salut souvent chahutées. Marie Petitpierre écrira par ailleurs des protestants italiens : « Je suis souvent déçue des Eglises évangéliques italiennes. On y pense plus à lutter contre le clergé catholique que contre le péché et cela a gâté la cause de l’Evangile. » (7 novembre 1913). C’est sur le terrain de Faeto que Marie Petitpierre éprouvera ses plus grandes satisfactions. Installée durant dix ans (1912-1922) dans ce bourg de la province de Foggia (aujourd’hui de moins de 700 âmes), elle y est confrontée à la rudesse des conditions d’existence des paysans pauvres de montagne. « Pensez, écrit Marie Petitpierre à sa famille en décembre 1912, que d’après le dernier recensement, 270 familles de Faeto ont émigré en Amérique. Cela représente une bonne partie de la population du village qui compte à peine 4 à 5'000 habitants. Mais quand on voit ces montagnes dénudées (le village se situe en effet à 820 mètres d’altitude dans les Pouilles), ce sol dur, rempli de cailloux, ces hommes et ces femmes qui peinent du matin au soir pour récolter à la fin de l’été un peu de maïs et de pommes de terre, on comprend qu’ils soient tentés par une vie plus facile. » L’Armée du Salut ouvre à Faeto une école du soir qui accueille jusqu’à 70 jeunes illettrés. « Les jeunes gens qui voulaient partir pour l’Amérique eurent aussi l’occasion d’apprendre l’anglais. » Marie Petitpierre précise en plus que : « c’est surtout quand nombre d’émigrés furent enrôlés dans l’Armée américaine et quand le gouvernement des Etats-Unis envoya un subside à leurs familles restées pour la plupart en Italie, que le secours des officiers fut précieux : on venait à eux pour toute la correspondance anglaise… ». Même si beaucoup de gens ne veulent pas se compromettre en venant dans la salle de l’Armée du Salut, ils assistent de loin aux réunions en plein air. Mais où l’Armée du Salut remplit pleinement sa mission, c’est en ouvrant un asile pour les petits enfants que leurs parents doivent laisser au village pendant qu’ils travaillent dans les champs. Une centaine de petiots y sont accueillis chaque jour. On leur fait l’école et on les occupe avec des jeux, des récits, des chants. Outre la création d’un orchestre et d’une fanfare, essentiels dans le fonctionnement de l’Armée du Salut, les officières ouvrent encore une école de couture. Toutes ces actions motivent le projet de Marie Petitpierre de récolter 30'000 francs en Suisse pour acheter une maison et la réaménager en un nouvel asile. Pour ce faire, elle rédige en 1919 un cahier destiné à circuler entre les donateurs potentiels. Mais il est difficile de faire perdurer l’œuvre entreprise sur place. Revenant en 1931 dans le Piémont vaudois où elle a commencé son travail en Italie vingt ans plus tôt, Marie Petitpierre constate, amère, à propos des habitants : « Aujourd’hui, hélas ! la tiédeur a gagné beaucoup d’entre eux ; la mondanité a trouvé accès jusque dans ces vallées reculées et la jeunesse du 20ème siècle ne possède plus la foi robuste des ancêtres. Il n’est donc pas de trop que l’Armée du Salut ajoute ses efforts à ceux d’autres chrétiens pour arracher les âmes au monde et au péché. » Marie Petitpierre se montre sensible à la misère qu’elle tente de soulager et aux contrastes sociaux. Elle s’indigne ainsi de l’écart entre les touristes aisés venus visiter Florence et les habitants des quartiers défavorisés : « Le contraste est grand entre ces riches qui parcourent la ville en auto et se gobergent dans les grands restaurants au son de la musique, et les pauvres des bas-fonds que nous visitons régulièrement. Quelle misère dans ces pauvres rues, quelle puanteur et que d’histoires tristes ! » (24 avril 1926) L’ensemble de ces lettres est complété de divers documents, extraits entre autres du Cri de guerre cher aux salutistes, et de photographies. Après ses mandats en Italie, Marie Petitpierre devient responsable de l’Ecole militaire de l’Armée du Salut, à Berne. Elle garde toutefois le contact avec le pays cher à son cœur, passant même trois semaines en prison à Rome à l’automne 1940, alors qu’elle effectuait une tournée d’inspection auprès de ses coreligionnaires, accusés par le régime de Mussolini de complicité avec l’Angleterre. Marie Petitpierre aura vécu une véritable expérience de conversion et de consécration à la cause de l’Armée du Salut. Dans son service funèbre du 3 novembre 1969, le pasteur Robert Chevaley dira d’elle : « Nous avons senti la proximité du buisson ardent. Nous avons vu quelque chose de ce feu dans le regard profond de la Colonelle, un regard qui lisait dans les âmes. Nous l’avons senti dans les intonations vibrantes de sa voix. (…) Le Dieu de Marie Petitpierre était le Dieu qui sonde les cœurs et les reins (et révèle) la vanité de l’homme naturel, l’indignité de l’être de chair et de sang. (…) Elle savait enfoncer le couteau dans l’abcès, mais connaissait aussi l’art de bander les plaies. » Marie Petitpierre savait également exprimer sa tendresse pour les siens, son attention aux humbles et sa sensibilité face à la nature. |