"A quel point on est maintenant écœuré par ce qui touche à la guerre."

Jaques Henriod écrit à Elisabeth Veyrassat.

6 septembre 1917, Fleurier, Jeudi

Elisabeth, Lise, mon amie !

Il y a si longtemps !... que je vous ai écrit. En ce moment, je suis équipé pour aller à Buttes, gros souliers, bandes molletières, l’orage tonne, il pleut à laver les caves, une pluie serrée, décidée, coupée d’éclairs. Il me semble que depuis deux jours, je n’ai fait qu’écrire, sauf à vous. Et maintenant je me délecte. (…)

Nous avons eu les Knie. C’est merveilleux ce qu’ils font ! Leur passage, à condition qu’il ne se prolonge pas et qu’il soit une exception, est vraiment un bienfait à plusieurs points de vue. En les voyant faire ce qu’ils font d’une manière si parfaite, on a envie de bien faire ce qu’on fait. On a envie d’être plus courageux, en voyant ce qu’ils tentent. Et ces gros homme forts sont très doux, nous autres Neuchâtelois, sombres, secs et hargneux, nous avons beaucoup à prendre de leur bonhommie et de leur bonne humeur. (…)

Je ne les ai vus qu’en partie puisque j’ai été loin samedi et dimanche. Lundi nous avions un colloque à Couvet. Papa a parlé de la guerre. Oh ! d’une façon ! que j’aurais voulu pouvoir enregistrer ses paroles mot à mot. Papa qui aimait tant ce qui est militaire, qui saute encore à la fenêtre quand on entend un tambour, Papa a dit à quel point on est maintenant écœuré par ce qui touche à la guerre. (…)


(s.d.) (12 décembre 1917 ?), Begnins, mercredi

Lise aimée !
C’était beau hier ! (…)
Levé à 9h½. J’ai scié et bûché mon bois pour la journée. Double moyen de se réchauffer. (…)
Ensuite écrit à papa qui m’écrit qu’on me réclame ma taxe militaire et me demande si je ne l’ai pas déjà payée. Hélas non ! je ne l’ai point encore payée mais j’aurai bientôt 32 ans.
Chaque fois je me demande si je dois refuser de la payer et chaque fois je me dis que la réfraction n’est pas utile maintenant. Après la guerre, on verra. Et nous serons deux à voir et peut-être plusieurs… (…)