Un sermon en temps de guerre

Elisabeth Veyrassat écrit à Jaques Henriod.

7 août 1917, lundi

Jaques que j’aime,

Ayant fait l’expérience qu’on aime beaucoup à recevoir des lettres aussi le lendemain de sa fête, qu’on aime beaucoup sentir l’atmosphère d’amitié dont on vous entoure ce jour-là, s’étendre au-delà ce jour précis, j’ai gardé pour aujourd’hui toutes sortes de choses à vous dire, et une nombreuse correspondance à vous envoyer.

Par quoi commencer ? Je ne sais trop. Je suis les dates. Donc dimanche, nous fûmes à la chapelle comme toujours, mais ce n’était pas M. Müller, mais M. Terrier, pasteur national à Genève qui nous a fait un sermon, oh mais merveilleux. C’était court, simple, profond, plein de cœur. (…)

Nous sommes entraînés par l’engrenage d’une civilisation du mensonge. Nous sommes tous des menteurs.

Avant la guerre, on avait plein la bouche des mots progrès, civilisation, Tant d’effort d’humanitarisme sentimental, alors répandu à profusion, tendait au but suprême : un congrès. Un congrès où l’on élaborait péniblement un ordre du jour, le but était atteint. (…) Ce n’est pas à coups d’ordre du jour qu’on tuera la misère. Voilà quelques bribes de ce sermon. (…)

Merci pour l’Essor. Les cas Cérésole et Kleiber sont troublants. Ils ont parfaitement raison de suivre leur conscience. Mais pour Cérésole, si ces idées sont justes. Est-ce le moment ? c’est-à-dire je crois qu’il a raison, entièrement raison, mais que la Suisse ne l’écoute et ne peut suivre ses conseils que quand elle sera à sa hauteur. Le fait qu’on le blâme montre que la majorité n’est pas encore mûre pour cela. Il en faut de ces pionniers des idées nouvelles En tous cas, respect pour eux.

Au revoir, Jaques, que j’aime
Bien tendrement à vous
Votre Lise qui vous aime Elisabeth