A la guerre comme à la guerre

Thérèse Hoffmann découvre le château des Esterhazy à Zseliz où la famille princière sera hébergée pour quelque temps. (Vue actuelle du château, aujourd'hui en Slovaquie. Tous droits réservés.)

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A 6h, nous partons tous avec 2 autos pour Zseliz qui se trouve à 2h de là et où est le Castel des Esterhazy habité par la mère adoptive du prince, une sœur de sa mère. La première chose que le prince me fait voir, avant même que j’aie eu le temps de réaliser que nous sommes arrivés, c’est le piano de Schubert ! Un meuble délicieux et si émouvant, dans la salle à manger. Un portrait du musicien joliment encadré, rend tout cela encore plus intime ; il n’a pas perdu sa place, au contraire ; on l’a placé entre ses deux élèves qui sont : l’une l’arrière-grand’tante, l’autre, l’arrière-grand’mère du prince.

Il y a encore un grand portrait de leur père ; l’arrière-arrière grand-père du prince. Il se trouve à côté d’une porte ; si je vous dis cela, c’est parce que le prince est entré hier par cette porte, et que j’ai tout à fait eu l’impression que le portrait sortait de son cadre ! Il y a une ressemblance étonnante entre ces deux ! Aglaé aussi est une Esterhazy toute pure. Cheveux noirs, grands yeux noirs, nez magnifique, petite bouche, corpulence naturelle et larges épaules. Elle ressemble aussi à son père par son caractère énergique, volontaire, indépendant, orgueilleux et passablement cruel. A part Karli et Nesti ils le sont tous, cruels ! mais de différentes manières : Lori, elle, l’est lorsqu’elle aime beaucoup quelqu’un et elle bat ses âmes comme plâtre, sans avoir du tout l’impression d’être cruelle ou de leur faire mal ! Au contraire ; les cochers un peu vifs lui font horreur. Je l’aime énormément ma Lori ; elle est claire et propre comme une source et si vivante, si intelligente ! Elle a un si bon caractère ! Physiquement, c’est une Breunner (famille de sa grand-mère paternelle). Karli est naïf comme un bébé et si simple ! Henzi est 4 fois plus compliqué. Le soir, il passe des heures avant de s’endormir, à rêver à des tortures qu’il pourrait bien inventer. Johanna est pareille ; j’ai beaucoup de peine avec elle parce qu’elle est fausse.

Nous habitons dans une dépendance du Castel, une minuscule maison de 4 chambres très petites, d’une salle de bains et d’un petit hall. La plus grand est pour les parents et Aglaé ; les deux autres pour les 2 garçons et les 3 filles ; la 4e est pour Mademoiselle. Elle est ravissante et j’ai une vue ravissante sur le parc. Nous ne pouvons faire la cuisine au Castel parce que la Comtesse est très malade du cœur et qu’elle a besoin de tranquillité. Nous la ferons bientôt dans une autre dépendance où se trouvent les chambres de Mlle Cacak, Mr Storm et l’école. Je ne suis naturellement plus aussi chez moi qu’à Ainödt, mais – à la guerre comme à la guerre – n’est-ce pas ?