Une mère à Berlin, une fille à Neuchâtel réagissent à la déclaration de guerre

Le monde a basculé dans la guerre, dans le pays de Neuchâtel comme dans la capitale du Reich. La Neuchâteloise Mathilde Sandoz, en séjour chez sa sœur à Berlin, en rend compte dans une lettre adressée le 16 août 1914 à sa fille Marguerite. Cette dernière écrit de son côté à l'Hôpital des Cadolles pour proposer ses services.

(…) Hier j’ai été à l’exposition, mais c’est vraiment triste, si peu de monde, tous ces pavillons vides, rien que des soldats pour garder tous ces trésors. Ce n’est plus du tout la même chose, il semble que le tout a changé. Les machines ne cheminent plus tout est tranquille et triste, c’est vraiment dommage, on n’a pas le courage d’y retourner. Les employés, qui étaient tous chassés il y a quinze jours, (…) (se) plaisent à tricoter des chaussettes pour les soldats. C’est une véritable fièvre ici, tout le monde tricote, même moi, je tricote des chaussettes beiges pour ces pauvres militaires. C’est vraiment splendide cette solidarité partout, on prévoit tout, on pense à tout, aussi je trouve que ces pensées et bonnes actions nous font un peu oublier ces temps malheureux.

(…) Ce matin, j’ai assisté à un culte militaire et après cela nous sommes allés au cimetière, d’où nous avons pu entendre de loin des chants patriotiques chantés par des troupes de soldats ; c’était tout à fait superbe ; et touchant.

(…) Ici on parle beaucoup de la guerre sans en savoir grand-chose. Nous lisons surtout le Bund, enfin les journaux allemands, et à Berne en général je crois que l’on défend plutôt un peu les intérêts allemands. Mais je trouve qu’en général on plaint tous les peuples qui sont atteints de ce terrible fléau que ce soit une nation ou une autre, on est tous des hommes et on a tous un cœur. Eh bien c’est ainsi qu’il faut faire, être compatissant pour tout le monde et plaindre tous ces malheureux. (…)

Au même moment, la destinataire de cette lettre, Marguerite Sandoz, écrit ces mots à sœur Sabine, à l’Hôpital des Cadolles de Neuchâtel :

Maison Rouge, Saules, Val-de-Ruz

Mademoiselle
Vite ces quelques lignes pour vous offrir mon aide en cas de nécessité. Je suis en vacances et s’il arrivait que nos pauvres soldats dussent être blessés, je ne voudrais pas rester inactive. Ce serait une grande joie et une satisfaction profonde pour moi si je pouvais un peu soulager de misère et de souffrance. Je n’ai pas pris de cours de samaritain mais vous saurez bien, je pense, me rendre utile à quelque chose, couture, ou autre chose. J’ai 19 ans. Aussitôt que le loisir s’en fera sentir, je suis à votre service.
Recevez, Mademoiselle, mes respectueuses salutations.
Marguerite Sandoz