Samedi 9 octobre 1886 : Couvet – Bâle : un départ difficile

Image : les gorges du Taubenloch près de Bienne

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >
[]
Cliquez pour agrandir

Le cœur gros de pensées tristes et les yeux gonflés par des larmes retenues avec peine, je pars et quitte ma mère bien-aimée, mon pays et ma sœur Rosi. (…)

Pour ne plus rien voir, je m’assieds sur mon banc et lis, sans les lire, des exercices de conversation en allemand et en français. (…)

De temps en temps pourtant, un regard furtif jeté par la fenêtre me montre la rive de notre beau lac qui s’enfuit.

… le train file. Cornaux, Cressier, Landeron, je quitte le canton de Neuchâtel et à Bienne je cherche en vain le Jura neuchâtelois que j’aime tant. Mais il est maintenant si loin. (…)

Mon train gravit les vignobles de Bienne, je passe devant le Ried, et nous voilà bientôt en pleines gorges (du Taubenloch), mais l’eau manque et la Suze est basse. (…)

Depuis Tavannes, je suis en pays inconnu et je jouis énormément de voir ces belles gorges (de la Birse). (…)

À Delémont, il tonne. C’est le dernier orage de la saison. Sa puissante voix annonce que les beaux jours sont passés, que l’hiver est là. Oui ! Oui ! Les beaux jours sont passés.

Bientôt, j’approche de Bâle. Dans le train qui s’enfuit rapide, je vois une dame qui a trop bon air pour être paysanne et qui me semble ressembler frappement à notre Marie Daetwyler, notre domestique. Plus je la regarde, plus je crois qu’elle doit être la mère de Marie. Si mon allemand eut été assez considérable, il me permettrait de me tirer d’embarras, j’aurais certainement été m’informer de la chose. (…)

Nous sommes à Bâle. Je descends du train et la bonne figure d’Édouard Perregaux vient à ma rencontre ; on se serre la main comme des gens que l’absence de la maison doit unir. Et ce cher ami me pilote jusqu’à la Maison des Missions. (…)

Édouard Perregaux me quitte au bout d’une heure après m’avoir confié à un élève de la Mission, dont le nom fort difficile à articuler, m’échappe. Après avoir regardé un peu ce vaste établissement des missions qui contient 90 élèves, j’en visitai le musée ethnographique qui contient de nombreuses curiosités dont une maquette du…Temple de Jérusalem.

À 2 heures, lui et moi, nous allons visiter en gros la ville…

[À propos de la cathédrale] C’est la première fois depuis longtemps que je vois une église gothique aussi grande. J’en fus frappé. Elle est splendide, il faut l’avouer, encore toute fraîche et bâtie avec une belle pierre verte qui fait contraste avec les autres bâtiments de Bâle.

Nous grimpons jusque sur la tour, regardant en passant l’horloge, et admirant depuis là-haut la belle Suisse, le Jura, et tout ce beau pays qu’il va falloir quitter, de l’autre côté, la Forêt Noire et la grande plaine allemande qu’il va falloir traverser.

Puis nous redescendons. À l’intérieur, nous admirons le tout. On nous fait remarquer le tombeau du grand Érasme et je remarque avec plaisir un vieux chevron neuchâtelois dans un écusson. Nous allons voir le chœur qui est plus haut, me semble-t-il, que dans toutes les autres églises de ce genre. Après quoi, nous retournons ensemble à la gare.

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >