Une filière qui passe par le presbytère

1942

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Des familles de Juifs hollandais ou belges arrivent parfois au presbytère, demandant l'aide de mon père de les passer en Suisse. On ne saura jamais comment la filière arrive chez nous. Au début, Papa les emmenait jusqu'à une ferme et de là leur montrait la frontière. Un jour, il y a la visite de la Gestapo qui vient lui poser des questions à ce sujet. Comme il parlait parfaitement l'allemand, il sait leur répondre. Après cette visite, arrive une famille de cinq personnes dont un adolescent; ils ont une malette pleine de pierres précieuses, prêts à en offrir à mes parents s'ils les aident à passer. C'était trop pour Papa, alors il les a adressés à un passeur du village qui leur a demandé une somme astronomique. Deux jours plus tard, ces gens étaient de retour, les habits déchirés, les femmes sans bas, dans un état épouvantable. Le passeur leur avait mal indiqué la frontière; ils avaient perdu du temps, après avoir téléphoné à leur ambassade depuis une ferme suisse. Une patrouille suisse les avait arrêtés et menacés de les remettre aux Allemands. Ils ont eu beau dire qu'ils étaient "sous la protection de l'ambassade". Le chef de poste suisse, un dénommé Moine a répondu que c'était lui qui commandait et pas l'ambassade. Il les a cravachés et les a refoulés. Ma mère leur a donné à boire et à manger. Mon père est allé chez le passeur lui demandant de rendre l'argent. Quant aux Juifs, ils sont repartis vers Hérimoncourt et se sont faits prendre et l'on n'ose penser ce qui leur est arrivé.

Mon père était devenu méfiant. Un jour, c'est le marquis de Vogüé qui se présente et souhaite aller à Berne faire une demande afin que sa femme enceinte puisse gagner la Suisse. C'est alors trop dangereux de passer au-dessus de Glay et Papa lui suggère d'aller du côté de Delle. Nous ne saurons jamais s'il a réussi. 

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