Dernières étapes du voyage jusqu'à Rotuma

Lettre d’Hélène Muster à son frère Jean-Pierre Muster (qui reprend et complète la lettre précédente)

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >
[]
Cliquez pour agrandir

ROTUMA – FIJI / JANVIER 1950

Cher Jean-Pierre,

(…)

Voici en quelques lignes notre voyage dès l’instant où nous débarquons en Nouvelle-Zélande, à Auckland. C’est un samedi soir que nous atteignons la côte, mais le bateau ne peut aborder pour des questions techniques aussi c’est le dimanche matin que nous débarquons dans un pays qui « pue » le communisme. Pour un immense bateau comme le nôtre, il n’y avait pas un seul porteur ; nous avions à charrier tous nos bagages. A la douane 2-3 hommes avec la cigarette pendante au coin de la bouche. A l’hôtel une secrétaire qui nous insulte parce que nous avons passé la nuit sur notre bateau et non pas dans son hôtel ROYAL ! nous aurions d’u sauter à l’eau et nager avec tous nos bagages ! Aucun restaurant, kiosque ou cinéma n’est ouvert. Meurs de faim parce que c’est dimanche et personne ne travaille ! Enfin, nous étions bien heureux de le quitter lundi à 11 h. du soir avec l’hydravion. Ce fut magnifique. L’envol sur l’eau puis le survol d’Auckland la nuit, enfin l’ascension à une bonne hauteur. Le confort dans l’hydravion où nous n’étions que 4 sur 26 places, la complaisance de l’équipage. Un lever de soleil splendide, le survol d’une mer de nuages et l’arrivée à Fiji dont la température est bien chaude. A Suva, nous restons 3 semaines, Humphrey est très occupé et pour moi ce sont de réelles vacances. Le 7 décembre nous embarquons sur le « Sanarvai » ( ?) petit bateau qui fut construit à Hong Kong, bravant toutes les tempêtes, cyclones et typhons. Nous ne sommes que 4 « blancs » sur le bateau en plus du capitaine et sa femme. Le confort n’est pas mal pour un petit bateau cargo. Tant que nous sommes à l’intérieur des récifs, la mer n’a pas une seule vague, c’est le calme complet, mais sitôt sorti, de l’autre côté du récif c’est la mer violente, rageuse, alors tu me trouveras plus souvent vautrée sur ma couchette au 2ème étage de la cabine ; j’ai choisi le second car je fus, un jour, Suissesse ! mais c’est bien compliqué d’y escalader, et il te faut quelques tours de varappe pour redescendre pour ne pas ou passer par le hublot ou aplatir le ventre respectable de mon mari ! Nous avons plusieurs haltes. Le déchargement des animaux, chevaux et leurs mignons poulains, est passionnant. En général les bateaux ne peuvent toucher la rive, ils jettent l’ancre de l’autre côté du récif et c’est dans des canoës que les Fijiens font la navette de la rive au bateau pour transporter gens, bêtes et cargo. Ferme les yeux et imagine !

(…)

L’île est merveilleuse. Il y fait chaud. Notre maison est superbe, mais nous n’avons point d’électricité. Tous les fruits croissent sous tes yeux, c’est une merveille. Les indigènes sont charmants, ils sont Polynésiens ; pour le reste au prochain bateau !

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >