1918 : une année ordinaire ?
L’année 1918 à La Chaux-de-Fonds à travers le journal du graveur-doreur chaux-de-fonnier Louis Turban
Originaire de Saint-Imier, Louis Achille Turban est né le 19 octobre 1874 à La Chaux-de-Fonds. Il y décède le 6 juillet 1951. Doreur et graveur, Louis Turban travaille à domicile. C’est un horloger sans histoires, qui épouse Jeanne Beaubertier en 1900. Celle-ci est coiffeuse à domicile jusque vers 1919. Le couple n’aura pas d’enfants.
Le journal intitulé 1911 – Souvenirs, qu’il tient de 1911 (mais qui commence en fait le 1er septembre 1912) au 24 janvier 1951, compte 473 pages manuscrites.
Ce protestant irrégulièrement pratiquant se livre très peu : il s’agit d’un livre de raison, d’un carnet de notes personnelles, plus que d’un journal intime : Louis Turban prend acte des événements sans faire part (ou si peu) de ses sentiments et sans se soucier du caractère répétitif de ses annotations. Sans doute écrit-il d’abord pour se souvenir des bons moments de son quotidien. A part les remarques sur le temps qu’il fait et sur ses repas, il met surtout l’accent sur ses loisirs : balades en ville, promenades dans la nature environnante, parties de dominos ou de cartes chez des amis ou au café (il joue régulièrement au jass, devenu très populaire en Suisse au cours du XIXe siècle). Louis Turban aime aussi aller au cinéma et fréquenter les expositions. Il ne manque pas de mentionner le nom de celles et ceux qu’il fréquente : famille et amis, relations de voisinage et de travail, connaissances diverses, rencontres occasionnelles.
Très autocentré, ce journal fait rarement allusion aux événements, et si c’est le cas sans jamais développer son propos. Ainsi Louis Turban ne dit rien de l’évolution du conflit armé au cours de l’année 1918. Il mentionne seulement l’armistice et la grève générale – nous révélant à cette occasion qu’il ne porte pas les socialistes dans son cœur… L’épidémie de grippe espagnole n’est abordée qu’à travers la maladie de son épouse Jeanne, atteinte par une souche de ce virus qui l’épargnera. La santé est d’ailleurs un thème récurrent de ce journal : Louis Turban détaille ses moindres affections, comme un petit rhume contracté en février 1918 ou une angine dont il souffre dans la dernière semaine du mois de mars de cette même année. En revanche, Louis Turban ne dit pas grand-chose de son travail, sinon pour signaler qu’il en a beaucoup ou moins que d’habitude.
Un journal qui donne bien la mesure de l’ordinaire d’une vie…
Pour en savoir plus, voir : JORNOD (Joël), Louis Turban, horloger de La Chaux-de-Fonds et son monde. Fragments de vies minuscules, Neuchâtel, Editions Alphil, 2011.
Pour cette transcription, l’orthographe a été corrigée quand c’était nécessaire.
Image : Appel du Conseil communal de La Chaux-de-Fonds (à majorité socialiste), au moment du déclenchement de la grève générale de 1918 (Source : Cospol.ch)
Table des matières
Janvier 1918 : « On va à Renan pour faire visite… »
Février 1918 : « Le temps est au beau, mais de très vilains chemins… »
Mars 1918 : une angine qui va vite passer…
Avril 1918 : « Beaucoup de travail tous ces temps »
C’est l’automne : on travaille, on sort, on visite des expositions, on joue aux cartes…