Mémorandum

 Je voudrais tant être une maman gaie

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Alors que le premier journal de Louise A. est l'exemple même d'un "journal de deuil", le deuxième cahier est, avant tout, un "journal de maladie" voire même de "maladies". En effet, la maladie y occupe une très large place: celle de ses enfants, de ses parents et surtout la sienne sans que Louise nomme jamais le mal dont elle souffre. Dans les quelque vingt pages qui retracent les années 1876 à 1878, on découvre Louise oscillant entre joies, inquiétudes, lassitude et espoir. Chaque maladie de ses enfants l'angoisse et lui rappelle la terrible année 1864. Elle-même se dit le plus souvent fatiguée et malade, dépendant de l'aide de sa mère, de son mari, de sa fille Paule. Sans le dire vraiment, Louise  a peur de mourir, de quitter ceux qu'elle aime tant: Faudra-t-il donc que je les quitte, / Sans que de leur amour je profite; / Tout ce que j'aimerais, tout ce que je ne peux /... écrit-elle le 2 mai 1878.

Extraits:

1876, 27 Sept. J'ai 36 ans aujourd'hui et je ne suis pas gaie du tout. Je songe comme la maladie m'a déjà faite vieille, il me semble que mon mari et mes enfants doivent me trouver toute laide et cela me chagrine, je voudrais tant être une maman gaie,  bonne agréable à mes deux chers enfants.

28 SeptPour m'ôter ma mélancolie de hier, dont je n'avais pourtant pas parlé, ce matin Paule et Georges m'ont fait avec leur père la plus jolie fête du monde; Dieu que c'est bon, d'avoir un bon mari et des enfants que l'on aime tant; et qui vous aiment aussi quand même on est toute laide, toute maigre et plus gaie du tout.

(...)

4 Novembre. Ma Paule est malade, elle a de la fièvre; sa fièvre qu'elle a déjà eue cent fois mais qui devenait bien plus rare maintenant. Elle dort dans ce moment et moi je viens de ranger un peu la chambre pendant ce temps sans faire de bruit, alors tout en essuyant sa table et ses petites boîtes, ses cahiers, son volant, ses balles tout ce qu'elle aime, je me suis mise à penser qu'hier matin encore elle était toute gaie, toute vivante dans la maison, qu'elle riait avec son père, qui aime tant la mettre en verve; et de voir tous ces objets trop rangés et son mignon visage là dans le lit déjà tout étiré avec sa grosse fièvre, il m'a passé une angoisse... il n'y a pas de danger sans doute, mais c'est égal l'inquétude ne s'en ira qu'avec le mal.

10 Décembre. Paule est guérie Dieu merci! Je n'ai pas eu le temps d'écrire, mais elle ne retourne pas encore à l'école,il lui faut du bon temps, de la promenade, de l'air, elle a grandi, grandi!

[...]

1877 14 Mars. Je suis toujours fatiguée, lasse ces temps, je crois que c'est parce que nous avons sans cesse des malades depuis longtemps. Que le printemps est long à venir!